Assemblée générale de Caritas Liban


Beyrouth, samedi 3 novembre 2007

Intervention de Denis Viénot, ancien Président de Caritas Internationalis




Excellences,

Chers amis de Caritas Liban,

Mesdames, Messieurs,



Une assemblée générale est par nature un lieu de réflexion et d’orientation vers l’avenir. C’est dans cet esprit que j’ai répondu favorablement à l’invitation de votre Président, le Père Louis Samaha, d’être avec vous aujourd’hui après une semaine passée au Liban à visiter vos secteurs et projets, à réfléchir à votre avenir avec de multiples responsables de votre organisation, à envisager des évolutions. J’étais venu la dernière fois en septembre 2006 suite à l’agression israélienne pour veiller au bon fonctionnement des opérations d’urgence. Vos activités vont globalement au-delà depuis bien longtemps déjà.

C’est l’esprit de l’enseignement social de l’Eglise qui anime votre Caritas guidée par l’Assemblée des Patriarches et des Evêques catholiques, sous la direction de vos Présidents successifs avec lesquels j’ai eu la joie de travailler, Mgr Mazloum, Mgr Matar, le regretté Mgr Fouad el Hage, le Père Madi et le Père Samaha.

A chacune de mes visites au Liban, depuis bien des années, j’ai rendu visite à Sa Béatitude le Cardinal Nasrallah Sfeir qui m’a chaque fois orienté dans les complexités de la vie libanaise, complexités politiques ou religieuses par exemple, et m’a soutenu dans l’organisation des efforts de solidarité du réseau mondial de Caritas Internationalis.

Je le représentais selon les époques comme Directeur ou Secrétaire Général du Secours catholique français, comme Président de Caritas Europa ou Président de Caritas Internationalis et aujourd’hui comme une ami qui veut soutenir les perspectives d’avenir de votre organisation tant au plan de sa centrale, de ses projets que de ses secteurs.

Merci à Caritas Liban qui a fait les démarches et à l’état libanais pour la décoration qui m’a été remise cette semaine, Officier dans l’Ordre national du Cèdre.


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L’encyclique
Deus Caritas est rappelle la place centrale de l’engagement social dans la vie des chrétiens et la mission de l’Eglise : la place centrale de la « charité sociale » (n°29) visant le développement « de toute la personne » comme l’écrivait Paul VI dans Populorum progressio il y a quarante ans.

Les communautés chrétiennes doivent agir dans un esprit d’intégration des plus pauvres et promouvoir une culture de la charité, de la justice et de la solidarité. La relation inter personnelle est au cœur de ce challenge.


Mais la nécessaire organisation de la charité va de pair avec cet engagement personnel et communautaire. Aux niveaux local, national et international et dans un esprit de créativité et d’efficacité, les chrétiens, souvent associés à d’autres s’engageront pour la justice –
« L’Eglise ne peut rester à l’écart de la lutte pour la justice » (n°28) – et pour des actions de charité institutionnelle. L’encyclique y revient souvent de façon pratique : rôle de coordination des évêques, subventions des pouvoirs publics ou dégrèvements fiscaux, compétence des salariés et des bénévoles motivés par l’amour du prochain. Vos statuts, eux, à leur article n°2 utilisent le terme de « Pastorale de la charité ».


Quatre fonctions doivent être organisées pour la mise en œuvre de cette responsabilité, selon les situations des Eglises locales, les cultures, les histoires. Il est intéressant de les relever aujourd’hui.





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Ces idées de la dernière encyclique trouvent une résonance dans la situation actuelle de Caritas Liban dont la nouvelle stratégie vise à plus d’autonomie des secteurs et une révision des structures. Car l’évolution et l’adaptation sont indispensables. Mais en gardant vos valeurs fondamentales: présence assidue sur tout le territoire, transparence, action sans distinction de race ou de croyance, comme le montre votre solidarité avec les étrangers.

Le contexte libanais que vous avez à prendre en compte est surchargé par le conflit en Israël. Parfois les approches simples stimulent la réflexion. Cette année est celle du 40ème anniversaire de la guerre des 6 jours et du début de l’occupation en Palestine. A Pâques dernier, Mgr Michel Sabbah, Patriarche latin de Jérusalem déclarait donc: « En soi le sujet est simple : deux peuples sont en guerre l’un contre l’autre, et l’un occupe la maison de l’autre. Pour faire simple : la solution serait que chacun occupe sa maison, les Israéliens leurs maisons, les Palestiniens les leurs. »


A l’heure où de nouvelles priorités d’action peuvent survenir, sans doute devrez vous un jour regarder à nouveau l’efficacité des répartitions des rôles. J’ai toujours été admiratif de l’engagement des membres du Bureau et de vos commissions mais faut-il poursuivre de la même manière ou s’organiser selon les priorités stratégiques ? De nombreuses Caritas par exemple ont changé leurs priorités d’action en intégrant les aspirations exprimées par les acteurs de terrain à la base. A Caritas Liban de voir si les siennes sont bien les bonnes en fonction des nécessités du moment et des possibilités de financement.

A l’heure d’internet, les processus de décision évoluent partout.

A l’heure où les financements publics constituent une part en croissance dans nos budgets partout dans le monde, les mécanismes d’audit et d’évaluation changent.

A l’heure où le pape lui-même parle de professionnalisme il nous faut réviser nos politiques de ressources humaines et de formation ou de communication par exemple. L’Eglise au Liban a su ainsi créer Télélumière pour diffuser sa parole. Caritas, elle, sait en ce moment donner un écho international à sa campagne de sensibilisation sur la situation difficile de nombreuses domestiques étrangères, campagne articulée à son action concrète de défense de ces femmes. J’ai visité il y a quelques jours votre foyer d’accueil de Caritas pour une vingtaine de femmes du Sri Lanka, des Philippines, d’Ethiopie ou de Madagascar, actuellement. Donc cette campagne a un écho fort en France par exemple avec Le Monde, La Croix et l’Agence France Presse qui écrit le 24 octobre: «Caritas, qui a lancé une campagne de sensibilisation pour alerter l’opinion, affirme que de plus en plus de Libanais signalent des mauvais traitements. » On ne peut que se réjouir et admirer cette articulation entre action concrète d’aide à des personnes en difficulté, analyse sociale, plaidoyer et interpellation des opinions publiques.

A l’heure où, ces derniers temps, Caritas Liban a su faire face aux activités d’urgence en coopération avec ses partenaires Caritas, il faudra poursuivre l’adaptation des mécanismes de travail et les bonnes relations tissées avec vos Caritas sœurs, développer l’imagination dans le domaine social, dans celui des projets productifs ou du commerce équitable tout en sachant combien ces nouveautés sont exigeantes et parfois risquées.


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Excellences,

Chers amis de Caritas Liban,

Mesdames, Messieurs,

C’est une grande joie de participer à l’Assemblée générale de Caritas Liban. Vous pouvez être certains de mon amitié et de mon désir de contribuer avec vous au futur de votre organisation, selon mes moyens articulés avec le souhait du Secours catholique français de poursuivre son partenariat historique.



Caritas Liban joue un rôle important au plan de la région du Moyen Orient et du Nord de l’Afrique et au plan de la confédération. Plusieurs de ses membres y ont été engagés ou le sont actuellement, Mgr Fouad el Hage jadis comme Président régional puis Président international, Maître Joseph Farah comme actuel Président régional.

Caritas Liban joue aussi un rôle d’éveil aux réalités auprès de ses partenaires. Les visites de son actuel Président le Père Samaha y contribuent et je tiens à le remercier pour sa fidélité et son esprit d’accueil chaleureux et convivial si typiquement libanais. La participation de membres de Caritas Liban à des campagnes d’animation et de sensibilisation est aussi indispensable dans un réseau de frères et de sœurs pour faire avancer les prises de conscience indispensables tant au plan des populations chrétiennes, que plus largement des opinions publiques, des responsables politiques nationaux et internationaux.


Merci pour ce travail de partenariat réciproque.

Merci pour votre accueil.



DV.